ELLE. Nous ne sommes convenus de rien du tout. Vous m’avez priée de venir, je suis là.
LUI. J’espère que tu n’essaieras pas de me faire croire que je suis le deuxième.
ELLE. Sûrement pas.
LUI. Tiens, tiens! Et tu en as eu beaucoup?
ELLE. Suffisamment.
LUI. Donc, tu as de l’expérience?
ELLE. Pas peu.
LUI. Tu m’en feras profiter?
ELLE. Nous nous tutoyons à nouveau?
LUI. Au lit, on ne se vouvoie pas.
ELLE. Nous ne sommes pas encore au lit.
LUI. Mais nous allons y être. (Il veut l’enlacer.)
ELLE. (S’écartant très sèchement.). Vous avez décidé que puisque j’ai été d’accord pour venir ici, on pouvait ne pas se gêner avec moi?
LUI. Inutile de faire croire que vous êtes montée, à la nuit tombée, dans la chambre d’un homme pour boire le thé avec lui.
ELLE. Certes, pas pour boire le thé. Nous boirons le champagne.
LUI. Cessez de plaisanter. Où le trouverai-je à présent? (Il essaie à nouveau d’enlacer la femme.)
ELLE. (Ne réagissant pas du tout à ses étreintes. Le ton froid :). Ne jouez pas la passion.
LUI. Mais je ne la joue pas. Ce n’est pas la passion mais la curiosité qui pousse un homme vers une nouvelle femme.
ELLE. (Sèchement.). Contentez-vous de satisfaire votre curiosité sans l’aide de vos mains. Posez-moi, par exemple, des questions et je répondrai.
LUI. Alors, vous êtes venue seulement pour parler? Ici, dans cette chambre?
ELLE. Naturellement. Selon vous, il vaut mieux discuter dehors dans le froid, le vent et la pluie? (Et comme il la tient toujours enlacée, elle continue.) Si vous ne me relâchez pas immédiatement, je m’en vais tout de suite.
L’homme relâche la femme. Pause.
LUI. Si ces caprices doivent se poursuivre, pourquoi donc êtes-vous venue?
ELLE. Peut-être, parce que je me sentais seule. Comme vous.
LUI. Qu’est-ce qu’une belle-de-nuit comme toi peut connaître de la solitude? De la vraie solitude, quand tu n’as personne à qui adresser la parole, à qui te confier, personne pour te comprendre et te répondre? Quand tu te sens seul même entouré de gens, même si à tes côtés dort un être supposé proche mais en vérité étranger.
La femme ne répond pas. Pause.
LUI. Alors quoi, nous allons longtemps nous regarder comme ça?
ELLE. Calmez-vous et asseyez-vous.
LUI. Je ne te comprends pas.
ELLE. En revanche, moi je vous comprends très bien. Vous n’êtes tout simplement pas sûr de vous et vous ne savez pas comment vous y prendre. Vous êtes tout le temps balloté entre votre timidité et un sans-gêne que vous prenez pour de l’audace.