Самые смешные рассказы / Les histoires drôles - страница 2

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« Enfin, pensait le pauvre homme, en voilà une qui ne s’ennuiera pas chez moi ! »

M. Seguin se trompait, sa chèvre s’ennuya.

Un jour, elle se dit en regardant la montagne :

« Comme on doit être bien là-haut ! Quel plaisir de gambader dans la bruyère, sans cette maudite longe qui vous écorche le cou !… C’est bon pour l’âne ou le bœuf de brouter dans un clos !… Les chèvres, il leur faut du large. »



A partir de ce moment, l’herbe du clos lui parut fade. L’ennui lui vint. Elle maigrit, son lait se fit rare[6]. C’était pitié de la voir tirer tout le jour sur sa longe, la tête tournée du côté de la montagne, la narine ouverte, en faisant Mé !… tristement.

M. Seguin s’apercevait bien que sa chèvre avait quelque chose, mais il ne savait pas ce que c’était… Un matin, comme il achevait de la traire, la chèvre se retourna et lui dit dans son patois[7] :

« Ecoutez, monsieur Seguin, je me languis chez vous, laissez-moi aller dans la montagne.

– Ah ! mon Dieu !… Elle aussi ! » cria M. Seguin stupéfait, et du coup il laissa tomber son écuelle ; puis, s’asseyant dans l’herbe à côté de sa chèvre :

« Comment, Blanquette, tu veux me quitter ! » Et Blanquette répondit :

« Oui, monsieur Seguin.

– Est-ce que l’herbe te manque ici ?

– Oh ! non, monsieur Seguin.

– Tu es peut-être attachée de trop court[8]. Veux-tu que j’allonge la corde ?

– Ce n’est pas la peine[9], monsieur Seguin.

– Alors, qu’est-ce qu’il te faut ? qu’est-ce que tu veux ?

– Je veux aller dans la montagne, monsieur Seguin.

– Mais, malheureuse, tu ne sais pas qu’il y a le loup dans la montagne… Que feras-tu quand il viendra ?

– Je lui donnerai des coups de cornes[10], monsieur Seguin.

– Le loup se moque bien de tes cornes. Il m’a mangé des biques autrement encornées que toi[11]… Tu sais bien, la pauvre vieille Renaude qui était ici l’an dernier ? une maîtresse chèvre, forte et méchante comme un bouc. Elle s’est battue avec le loup toute la nuit… puis, le matin, le loup l’a mangée.

– Pécaïre ! Pauvre Renaude !… Ça ne fait rien, monsieur Seguin, laissez-moi aller dans la montagne.

– Bonté divine !… dit M. Seguin ; mais qu’est-ce qu’on leur fait donc à mes chèvres ? Encore une que le loup va me manger… Eh bien, non… je te sauverai malgré toi, coquine ! et de peur que tu ne rompes ta corde, je vais t’enfermer dans l’étable, et tu y resteras toujours. »