Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut - страница 2

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, l’épée, l’écu et l’arc, à lancer les disques de pierre, à franchir d’un bond les plus larges fossés ; il lui apprit à détester tout mensonge et toute félonie, à secourir les faibles, à tenir la foi donnée[4] ; il lui apprit les diverses manières de chant, le jeu de la harpe et l’art du veneur ; et, quand l’enfant chevauchait parmi les jeunes écuyers, on eût dit que son cheval, ses armes et lui ne formaient qu’un seul corps et n’eussent jamais été séparés. À le voir si noble et si fier, large des épaules, grêle des flancs, fort, fidèle et preux, tous louaient Rohalt parce qu’il avait un tel fils. Mais Rohalt, songeant à Rivalen et à Blanchefleur, de qui revivaient la jeunesse et la grâce, chérissait Tristan comme son fils, et secrètement le révérait comme son seigneur.

Or, il advint que toute sa joie lui fut ravie, au jour où des marchands de Norvège, ayant attiré Tristan sur leur nef, l’emportèrent comme une belle proie. Tandis qu’ils cinglaient vers des terres inconnues, Tristan se débattait, ainsi qu’un jeune loup pris au piège. Mais c’est vérité prouvée, et tous les mariniers le savent : la mer porte à regret les nefs félonnes, et n’aide pas aux rapts ni aux traîtrises. Elle se souleva furieuse, enveloppa la nef de ténèbres, et la chassa huit jours et huit nuits à l’aventure. Enfin, les mariniers aperçurent à travers la brume une côte hérissée de falaises et de récifs où elle voulait briser leur carène. Ils se repentirent : connaissant que le courroux de la mer venait de cet enfant ravi à la male heure, ils firent vœu de le délivrer et parèrent une barque[5] pour le déposer au rivage. Aussitôt tombèrent les vents et les vagues, le ciel brilla, et, tandis que la nef des Norvégiens disparaissait au loin, les flots calmes et riants portèrent la barque de Tristan sur le sable d’une grève.

À grand effort, il monta sur la falaise et vit qu’au delà d’une lande vallonnée et déserte, une forêt s’étendait sans fin. Il se lamentait, regrettant Gorvenal, Rohalt son père, et la terre de Loonnois, quand le bruit lointain d’une chasse à cor et à cri réjouit son cœur. Au bord de la forêt, un beau cerf déboucha. La meute et les veneurs dévalaient sur sa trace à grand bruit de voix et de trompes. Mais, comme les limiers se suspendaient déjà par grappes au cuir de son garrot, la bête, à quelques pas de Tristan, fléchit sur les jarrets et rendit les abois. Un veneur la servit de l’épieu. Tandis que, rangés en cercle, les chasseurs cornaient de prise, Tristan, étonné, vit le maître-veneur entailler largement, comme pour la trancher, la gorge du cerf. Il s’écria : « Que faites-vous, seigneur ? Sied-il de découper si noble bête comme un porc égorgé ? Est-ce donc la coutume de ce pays ? – Beau frère, répondit le veneur, que fais-je là qui puisse te surprendre ? Oui, je détache d’abord la tête de ce cerf, puis je trancherai son corps en quatre quartiers que nous porterons, pendus aux arçons de nos selles, au roi Marc, notre seigneur. Ainsi faisons-nous ; ainsi, dès le temps des plus anciens veneurs, ont toujours fait les hommes de Cornouailles. Si pourtant tu connais quelque coutume plus louable, montre-nous-la ; prends ce couteau, beau frère ; nous l’apprendrons volontiers. »