Selon Anatole France, l’art poétique de Le Goffic «est rare, pur, achevé». Dans son article, il cite également Paul Bourget: «Ces vers donnent une impression unique de grâce triste et souffrante. Cela est à la fois très simple et très savant… Il n’y a que Gabriel Vicaire et lui à toucher certaines cordes de cet archet-là, celui d’un ménétrier de campagne qui serait un grand violoniste aussi».
Le Goffic a payé son tribut au romantisme, précoce et tardif, qui a ouvert la voie au mysticisme, au personnalisme et à l’individualisme. Le Parnasse l’a attiré en tant que maître de la composition poétique, auteur d’un traité de versification, par la grande attention qu’il prêtait aux problèmes de forme. André Chénier, Théodore de Banville, Paul Verlaine, poètes qu’il admirait tout particulièrement, ont exercé sur lui une influence certaine. Et Paul Bourget a raison de souligner les liens particuliers qui le liaient à Gabriel Vicaire. Plus qu’une camaraderie, il partageaient la même compréhension profonde de ce que devait être selon eux la poésie de leur temps. Rapprocher la langue poétique du parler populaire qui n’avait pas perdu son substrat historique, ses légendes, son folklore.
Dans son article Gabriel Vicaire ou la plaisante histoire d’un Bressan devenu Breton, il cite une lettre de Vicaire que celui-ci lui a adressée: «Mon rêve serait d’introduire dans notre poésie française une forte dose de poésie populaire. Je vois que cette idée fait son chemin: je n’ai cessé de la répandre de mon mieux».
Dans cet article il définit le développement de la poésie de Vicaire en des termes qu’on peut, cent ans plus tard, appliquer à Le Goffic lui-même.
«Le vers de Gabriel Vicaire, déjà si souple et si libre, se fait plus musical encore, mêlant les rythmes, se jouant aux allitérations et aux assonances internes et qu’en même temps que son sensualisme s’affine une émotion plus pénétrante, une délicieuse fleur de rêve s’éveille en lui».
C’est tout particulièrement dans ses poèmes d’amour qui occupent une place d’honneur dans son écriture – ses œuvres complètes commencent par un cycle intitulé Amour Breton — qu’on perçoit la façon dont il construit sa dépiction, le principe de description visuelle de sa poétique. Le Goffic n’utilise pratiquement jamais les objets qui s’offrent directement à son regard. Dans sa mémoire, comme sur la palette d’un peintre s’organisent des images nées d’une impulsion spirituelle, que son inspiration redessine après les avoir fixées, recompose avec d’autres pour créer ses vers. Ce qui explique l’attention particulière qu’il prête au folklore populaire et plus généralement à tout ce qui constitue la mémoire d’une société. La mémoire est la matière qu’il travaille. Prenons par exemple cette petite pièce, comme la nomme fort justement Anatole France.